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Georges Chevrot
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dissabte, 3 d’agost del 2013

Abbé Roger Derry

La dernière lettre.


(Extrait des archives du Bon Conseil). 

L’abbé Derry écrit à Monseigneur Chevrot, curé de Saint-François Xavier. 

Mon Cher Monsieur le Curé.

Je suis à quelques jours, peut-être à quelques heures de ma mort. Dieu est bien bon qui me donne une grande paix et cette joie de l'esprit dont parle l'auteur de l'Imitation. Il n'y a rien pour la nature : le corps est brisé, le cœur est meurtri, mais l'âme est dans les hauteurs. Je ne cesse de remercier le bon Dieu qui, dans son immense bonté, m'a redonné tant de ferveur. J'aurais pu mourir, sinon dans le péché, du moins dans la tiédeur que la trop grande activité extérieure risquait d'entraîner. Or, la paille des cachots, le jeûne le plus rigoureux, les humiliations et les misères de toutes sortes, la solitude, tout ce que Dieu dans sa Providence a permis pour mon bien, joint à la prière et à l'oraison continuelle, m'ont conduit sur des sommets où il fait beau et bon. Ma vie depuis deux ans n'a été qu'une messe continue et ce sera bientôt après l'immolation du Calvaire, la communion la plus intime et l'action de grâces éternelles. (…).

Comme Dieu est bon ! Car ma confiance est plus grande que la crainte que je pourrais concevoir à cause de mes péchés. Je demande cependant vos prières et des messes pour toutes celles que je n'aurai pas dites (c'est surtout cela qui fut ma grosse souffrance et qui est aussi l'objet de mes craintes).

Je vous demande pardon de n'avoir pas été ce que j'aurais dû être, comme je demande pardon à tous ceux à qui involontairement j'aurais pu faire de la peine ou causer quelque tort. Je n'ai toujours voulu que le bien : si je me suis trompé dans les moyens, je me rattraperai bientôt en me donnant pour tous.

Quels regrets de ne pouvoir plus me livrer à l'apostolat, et de savoir que ma vie est terminée ici-bas. Le bon Dieu l'avait-il marquée si courte ? Mes responsabilités ne sont-elles pas très grandes d'avoir réduit ma vie qu'il voulait pour lui seul plus longue ? ... Mais je dépasse et j'abandonne ces craintes pour me jeter le plus complètement possible en Dieu.

J'offre ma vie pour toutes les grandes causes que j'aurais voulu mieux servir, pour Dieu, pour l'Église, pour la France, pour ma chère paroisse Saint François-Xavier, où je suis si souvent par la pensée, pour mon cher Bon-Conseil, pour tous ceux que j'aime.

Puisse ma mort être ma messe la mieux célébrée, la plus généreusement et la plus joyeusement offerte. Je vais bientôt, Cher Monsieur le Curé, voir Celui que, malgré tout, j'ai tant aimé. Je vais enfin l'aimer comme j'aurais voulu l'aimer toute ma vie, et j'espère, de là-haut, faire plus de bien que je n'en ai fait ici-bas ...

J'aurais encore tant de choses à vous dire. Mon cœur est plein à déborder et je suis obligé de terminer. (Si vous saviez dans quelles conditions je griffonne ce mot !... les bottes !...) Je pense à tous, je n'oublie personne. Je prie pour tous. J'ai tant aimé !Mais il me semble que j'aime bien mieux encore et bientôt, de là-haut, comme je vous aiderai !

Comme Dieu est bon de me faire finir sur la paille d'un cachot, dans le dénuement le plus absolu, mais que j'aime, dans l'extrême pauvreté et l'obéissance. Comme la prière et l'oraison sont faciles. Mon bréviaire que j'ai pu dire presque toujours a été ma grande consolation, ma nourriture quotidienne avec l'Imitation de Jésus-Christ. Je n'avais jamais autant goûté les Psaumes.

Je demande encore pardon à tous ceux que j'aurai pu contrister. Priez beaucoup pour moi ! Demandez à mes chers confrères la charité de messes. Et puis, à bientôt, au ciel !... où je suis déjà par la pensée et le désir. Je me permets de vous embrasser très filialement. Je vous redis toute mon affection et puis devinez tout ce que je ne dis pas mais dont mon cœur est plein.

Dieu soit béni et vive la France !

ROGER
Le 2 Septembre 1943 »

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" Il ne suffit pas que nous soyons fiers de l'abbé Derry; il reste à nous montrer dignes de lui."

(G. Chevrot:L'abbé Roger Derry, decapité a Cologne le 15 Octubre 1953, Bonne Presse, 258)





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